VNF

Gilles Ryckebusch

Directeur Territorial Nord-Pas-de-Calais de Voies navigables de France (VNF) et Gérant du GEIE Seine-Escaut

Seine-Escaut est-il un réseau écologique ?

Sans hésitation ! D’abord, parce qu’il va participer à la lutte contre le réchauffement climatique. Il accélèrera le report modal de la route vers la voie d’eau, augmentant le volume de marchandises convoyées via le réseau fluvial à grand gabarit. Or, ce mode de transport contribue à la décarbonation en émettant cinq fois moins de gaz à effet de serre que les camions à la tonne transportée. Ensuite, parce que Seine-Escaut est un moyen de renforcer une gestion durable de l’eau, ressource au cœur d’enjeux sociétaux majeurs. Enfin, parce que le réseau est mis en place depuis le début dans le respect de l’environnement. Nous veillons à la performance écologique des infrastructures fluviales que nous créons et rénovons. Tous les travaux engagés sont menés en préservant au maximum la faune et la flore locales et ils s’accompagnent de mesures destinées à compenser leur impact sur la biodiversité, comme des programmes de replantation.

Avez-vous un exemple illustrant cette attention constante portée à l’environnement ?

La remise en navigation du canal Condé-Pommerœul, réalisée dans le cadre de Seine-Escaut, me semble un bon exemple : 15 % des fonds investis dans l’opération ont été consacrés à la sauvegarde de la biodiversité et la création de 30 hectares de zones humides sur d’anciens sites de dépôt de sédiments. Une anecdote au passage : en 2021, on nous a signalé la présence de castors sur ce chantier. Cela nous a conduits à intégrer au projet des aménagements spécifiques, tels que des aires de nourrissage, qui vont rendre la présence des castors pérenne. Ils cohabiteront ainsi avec les convois fluviaux : tout un symbole…

DVW Frank Serpentier

Frank Serpentier

Chef de projet des investissements Seine-Escaut chez De Vlaamse Waterweg nv (DVW) et Membre du GEIE Seine-Escaut

Quelles seront les retombées économiques de Seine-Escaut ?

Une fois le réseau en service, les entreprises auront à leur disposition pour leurs approvisionnements et livraisons une offre de transport fluvial performante, compétitive et durable qui desservira un espace étendu. Ce sera pour elles un véritable catalyseur de croissance. Et ce, quel que soit leur taille ou leur secteur d’activité. Bien sûr, cela concerne en premier lieu les entreprises traditionnellement utilisatrices de la voie d’eau, comme celles du BTP et de la chimie, et les entreprises émergentes autour du fluvial, par exemple dans les secteurs de l’économie circulaire et de la logistique urbaine. Mais au-delà, l’arrivée de Seine Escaut est une bonne nouvelle pour tous les acteurs économiques confrontés à la congestion routière dans le nord de l’Europe. J’ajoute que le réseau n’intéresse pas seulement les entreprises : en développant les échanges et l’activité, il aura des retombées économiques positives pour l’ensemble des territoires traversés. Il favorisera notamment l’implantation le long de la voie d’eau d’installations portuaires, logistiques, industrielles.

Préparez-vous l’arrivée du réseau avec les acteurs économiques ?

Bien sûr, car nous voulons qu’elles puissent tirer pleinement partie des potentialités offertes par Seine-Escaut. En 2022, nous avons par exemple signé en Flandre une convention de partenariat avec des acteurs économiques et institutionnels pour la création de la plateforme eNES (Economisch Netwerk Seine-Schelde – Réseau économique Seine-Escaut). Elle va nous aider à promouvoir la navigation intérieure et à rendre le réseau plus visible, l’enjeu étant d’optimiser son utilisation.

Jérôme Dezobry

Président du Directoire de la Société du Canal Seine-Nord Europe (SCSNE) et Membre du GEIE Seine-Escaut

Quelle place tient la concertation dans le déploiement de Seine-Escaut ?

Une place centrale, car l’une des caractéristiques de ce déploiement est d’être à la fois fédérateur et partenarial. La mise en place du réseau associe une multitude d’acteurs à l’échelle aussi bien internationale que nationale, régionale et locale, dans une logique de co-construction. Nous échangeons donc régulièrement avec des interlocuteurs aussi divers que des institutions européennes, des collectivités territoriales, des ports maritimes et fluviaux, des entreprises de tous secteurs d’activité, des exploitants agricoles, des experts reconnus, des associations environnementales…. C’est aussi ce qui fait la richesse et l’intérêt de ce projet depuis son lancement

Pouvez-vous illustrer cette démarche de concertation avec un exemple ?

Depuis trois ans, malgré la crise sanitaire, la construction du Canal Seine-Nord Europe, volet essentiel Seine-Escaut, a donné lieu à l’équivalent d’une réunion de concertation par jour ouvré. Ces réunions nous permettent d’informer sur l’avancement du projet, de dialoguer avec les parties prenantes, collecter leurs avis et suggestions, répondre à leurs attentes et préoccupations. Nous allons par exemple à la rencontre des riverains du futur Canal grâce à un dispositif mobile, organisons des visites de chantiers pour les élus, invitons des citoyens à participer à des ateliers sur les aménagements paysagers le long du Canal. Nous mobilisons aussi le tissu économique et les compétences des territoires dans une Démarche Grand Chantier qui anticipe et accompagne la réalisation du Canal pour en optimiser les retombées économiques et sociales.

SPW Pascal Moens

Pascal Moens

Directeur du Transport et de l’Intermodalité des Marchandises au Service public de Wallonie (SPW) et Membre du GEIE-Seine-Escaut

Où en est la mise en place du réseau en 2023 ?

Depuis deux ou trois ans, le réseau prend forme dans toutes les régions traversées. Des chantiers se terminent, on voit apparaitre les premières réalisations concrètes, de nouveaux services sont proposés. Ces évolutions sont positives pour la navigation fluviale. Elles permettent aussi de valoriser le patrimoine local et d’améliorer la qualité de vie des habitants. C’est enthousiasmant, d’autant plus que Seine-Escaut est un projet de longue haleine, né de réflexions amorcées dès le début des années 2000. Nous annonçons son arrivée depuis de nombreuses années et désormais, il arrive !

Pouvez-vous donner un exemple de la manière dont le réseau se concrétise en Wallonie ?

L’une des concrétisations les plus emblématiques est la métamorphose de la traversée de la ville de Tournai par l’Escaut. A cet endroit, la voie d’eau était trop étroite pour laisser passer des convois fluviaux à très grand gabarit en toute sécurité. Elle a été élargie en deux temps. L’ancien Pont-à-Ponts a d’abord été remplacé par un nouveau. A cette occasion, quatre kilomètres de quais ont été réaménagés et une halte nautique a été créée. Puis les arches du Pont des Trous, l’un des plus prestigieux vestiges de l’architecture médiévale de Belgique, ont été déconstruites et reconstruites en version élargie. Nous avons veillé à ce que l’édifice conserve son aspect initial, grâce notamment à la réutilisation d’un maximum de pierres d’origine. Lors de cette deuxième opération, les rives aux abords du Pont des Trous ont également été réaménagées, l’objectif étant d‘en faire des lieux accueillants pour les flâneurs et la circulation douce.